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Pierre Rulens sculpte depuis 30 ans: de l'acier, unique medium au commencement, naissent des mobiles sphériques offrant leurs lames rondes à l'accroche d’éléments figuratifs. Certains, telle une revisite des astrolabes de la Renaissance, sont traversés, piqués, enchâssés de figures allégoriques. Le dynamisme s'épanouit d'emblée, dans les petites pièces comme dans les grandes, parfois même monumentales.
Le déclic du bronze viendra en 1998 lors de sa rencontre avec le sculpteur Olivier Strebelle. A ses côtés dans l'atelier ucclois de l’avenue Dolez, lieu de l'actuelle exposition, Pierre apprend le difficile travail de préparation du métal qui sera porté, en fin de processus, à très haute température : la mise en forme de la cire, de la terre et du plâtre, pratique inhérente à cette matière, mais aussi l'utilisation de ses outils et la préparation de sa coulée occupent l’apprenti bronzier durant plus d’un an.
L'intérêt que l'artiste porte au ruban de Möbius teinte ensuite son œuvre d'une nouvelle dimension, celle d’un défi esthétique à relever en modelant la courbe tendue qu'il traduit dans des sculptures où la torsion de l'arrondi magnifie la topologie paradoxale établie par le mathématicien allemand.
Le bronze travaillé sans relâche depuis 25 ans donne à voir des œuvres aux formes et finitions variées selon les diverses possibilités qu’offrent le polissage et la patine. "Mobiles", "Rubans de Möbius", "Arbres", "Chaînes" et aujourd'hui "Acrobates", ces petites figures mi-humaines, mi-animales, illustrent tour à tour l'univers du sculpteur, tantôt argenté, doré, noir, irisé de vert ou reflété de brun.  

Caroline Bricmont

 

 

Möbius

 

Forme paradoxale représentant l’infini, l’éternel retour, l’ubiquité, le yin et le yang, l’image spéculaire…

Il suffit d'utiliser une longue bande de papier, de lui faire subir une torsion d'un nombre impair de demi tours puis de coller les deux extrémités. On découvre alors une surface ayant deux propriétés inattendues : cette surface ne possède qu'une seule face et qu'un seul bord. En mathématique on parle de surface non orientable.

Le ruban de Möbius alimente également, de par sa particularité, des débats en philosophie. Les spéculations dont il peut faire l'objet ont ainsi inspiré le célèbre Jacques Lacan.

Dans le vocabulaire de Jacques Lacan : 1962/63 - L'angoisse - 09/01/63 - Qu'est-ce qui fait qu'une image spéculaire est distincte de ce qu'elle représente ? c'est que la droite devient la gauche et inversement. - Une surface à une seule face ne peut pas être retournée. - Ainsi un ruban de Möbius, si vous en retournez une sur elle-même, elle sera toujours identique à elle-même. C'est ce que j'appelle n'avoir pas d'image spéculaire.

 

Le huit de l’infini est une lemniscate venant de Lemniscus, le mot latin signifiant ruban et vient lui-même du grec ancien (λημνισκος). lêmnískos (bandelette-ruban)

Une lemniscate est une courbe plane ayant la forme d’un 8. Elle possède deux axes de symétrie perpendiculaires. Ceux-ci se coupent en un point double de la courbe.

 

Les chaînes, l’origine:

 

Travail sur les chaînes et notamment les chaînes d’hybridation dans l’art.

Tout vient au départ d’une réflexion avec Sylvain Isaac sur une exposition dont le thème est l’hybridation de ou dans l’art au Point Culture Botanique.

 

Voici ce que Sylvain en a synthétisé:

 

« Le fil rouge et principale balise qui oriente tout le projet « hybridation » est la notion de sources ouvertes.

Les sources ouvertes peuvent signifier simultanément deux choses:

    Les sources sont ouvertes en ceci qu’une création artistique s’inspire toujours d’une multiplicité d’éléments qui dépassent son seul champ d’application. Cela ne signifie pas seulement qu’il y a du mélange dans tout acte créatif, mais qu’en outre la création artistique est un processus qui est continuellement en cours et non un acquis clos sur lui-même.

Les sources sont ouvertes continuent de s’écouler.

 

    Les sources sont ouvertes en ceci qu’elles sont offertes aux sens, qu’elles apparaissent en pleine lumière et ne sont donc pas réduites les unes aux autres dans un résultat homogène.

Les différences qui se marient pour créer un produit culturel hybride ne sont pas annihilées dans u tout fermé sur lui-même. Il n’est sans doute guère aisé d’appréhender un produit culturel où il y à de la dissonance voire de l’incohérence. Et c’est pourtant la une réalité de la création artistique aujourd’hui.

 

Ce qui est particulièrement marquant dans le travail de Pierre Rulens sur le ruban de Möbius, c’est justement son son coté abstraitement et dynamiquement illustratif de la manière dont nous traitons, pour notre part, la notion d’hybridation dans ce projet. A savoir qu’un produit culturel lui-même fruit d’un processus d’hybridation soit repris, à nouveaux frais, dans une seconde dynamique créative qui le confronte à une démarche artistique qui ne lui est pas forcément inhérente, voire carrément exogène cela jusqu’à former une forme inédite.

Par exemple l’anneau de Möbius est un objet qui par sa forme même, crée une confusion entre l’intérieur et l’extérieur, entraine une perte de repère, et joue sur la perméabilité des frontières, des lignes de démarcation. En cela, il est parfaitement illustratif au plan conceptuel de la manière dont un processus d’hybridation dans l’art entraine une rupture des évidences, une remise en question des acquis, et l’ouverture de nouvelles perspectives. A partir de là, on peut percevoir ses oeuvres, telles que le Cobra, comme une sorte surimposition hybridante du ruban de Möbius: à travers ses mains, celui-ci est à son tour remis en question, déstructuré puis restructuré jusqu’à aboutir à cette forme nouvelle qui pose ses propres exigences, dévoile son propre univers et est le résultat d’une création originale. On se situe alors au niveau d’une sorte d’hybridation au carré, donc.

Au cours de la réflexion est venue la notion de chaine d’hybridation.

Qu’en serait-il de combiner, enchainer plusieurs sculptures pour en faire une sorte de chaine, au sens le plus concret du terme? »

 

Pour ce concept, je me réfère à ce que Sylvain m’a exposé et écris, en ce sens que mon étude sur le ruban de Möbius ainsi travaillé, illustre le processus d’hybridation, une remise en question, une rupture des évidences.

Dans cet ordre d’idée, on pourrait imaginer à tort que chaque processus d’hybridation reste malgré tout indépendant l’un de l’autre.

En fait, il n’y a aucunes raison que ces processus n’interagissent pas entre eux.

N’y aurait-il pas dés lors une hybridations processus d’hybridation?  Une forme d’hybridation exponentielle?

 

Sans règles, sans écoles, sans cadre, le monde de l’art deviendrait un fatras chaotique de banalités insipides et d’horreurs.

Pour contenir cette profusion exponentielle, il faudrait une sorte de consensus qui lie d’une certaine façon tous les mouvements artistiques les uns aux autres.

Ainsi on garderait une énorme diversité tout en gardant la qualité et la force.

En ce sens la notion de chaines d’hybridation devient évidente.

Elle reste contenante et malgré tout offre une possibilité de croissance exponentielle.

 

Dans le travail des chaines j’ai créer une représentation de ce concept avec mon propre langage.

 

Les empreintes (d’écorce d’arbre)

 

Le concept réside dans le rapport d’une capture instantanée d’un moment de l’existence d’un être et de son intégration dans la sculpture.

Ici il s’agit de l’arbre.

L’Arbre est le symbole de la vie

Il est habité par une multitude d’êtres vivants.

De par sa structure racinaire il incarne la stabilité, la communication et par ses essences multiples, la diversité et la différence.

Des caractères essentiels à l’harmonie.

Dans sa formes constructiviste, la sculpture est articulée autour d’une empreinte d’écorce d’arbre figurant le tronc se répartissant sur toute la hauteur.

Sous un certain angle de vues et de façon subliminale, les parties structurées (empreintes d’écorce d’arbres) forment ce tronc entier sur toutes la hauteur de la sculpture. 

Ceci rappelle de façon troublante et fantomatique que la sculpture est habitée par l’arbre.

Un jeu subtil et subliminal de reflets disperse sous d’autres angles ces empreintes d’écorce dans les parties miroir qui nous rappelle  la fragilité de l’être et à la force de l’âme.

L’arbre apparait comme son propre spectre fragmenté.

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